Le Mot du Gérant - 1er Semestre 2021

Le Mot du Gérant - 1er Semestre 2021

2021-08-19

Reprise en V, Banques Centrales accommodantes, inflation et menace des variants.

Comme espéré avec la distribution rapide des vaccins dans les pays occidentaux, l’activité rebondit fortement après un premier trimestre encore entaché par des mesures de confinement plus ou moins strictes notamment au sein du vieux continent.

On s’attend ainsi à ce que la croissance mondiale dépasse les 6% après avoir abandonné plus de 3% en 2020. Elle sera tirée principalement par les Etats-Unis et la Chine, dont les variations de PIB sont espérées à près de 7% et 9% respectivement alors que celui de la Zone Euro est attendu aux alentours de 5%, du fait du redémarrage retardé des secteurs des services.

Les consommateurs occidentaux, dont les niveaux d’épargne ont bondi durant les périodes de confinement (500 Mds€ pour les seuls européens), bien aidés par les mesures de soutien sans précédent des Etats et des Banques Centrales, vont évidemment être au coeur de cette reprise. Du fait de cette forte demande, la plupart des entreprises constatent un essor significatif de leurs carnets de commande, induisant des tensions dans les chaînes d’approvisionnement en particulier dans les secteurs fortement dépendant des semi-conducteurs (cas de l’Automobile) et des matières premières (Construction, Biens d’Equipement). Ces tensions se retrouvent inévitablement dans les prix à la production et l’on devrait également connaître une accélération des prix dans les services comme ceux de l’hôtellerie et de la restauration.

Ainsi, la conjonction de ces facteurs et des effets de base sur les matières premières (ex. : le pétrole progresse de plus de 80% et le minerai de fer de 115% sur un an) entraînent une hausse de l’inflation dans les pays occidentaux lui permettant de revenir ou de dépasser momentanément les 2%. C’est le cas aux Etats-Unis où l’inflation « headline » est sortie à 5% en juin dernier contre seulement 2% en Zone Euro pour l’instant. En dépit de ces chiffres enfin en ligne voire très supérieurs à leurs objectifs, les Banquiers Centraux maintiennent leur positionnement accommodant mettant en avant le fait que cette évolution des prix n’est que transitoire et que l’ensemble des impacts de la crise n’ont pas encore été résorbés.

La FED, tout en étant un peu plus dure que prévu, a réitéré son message de patience, mais pourrait profiter du symposium de Jackson Hole fin août pour annoncer une réduction de ses achats d’actifs. Il est néanmoins peu probable que la FED monte ses taux directeurs avant fin 2022 sans que le marché de l’emploi ait retrouvé son niveau de fin 2019. Du côté de la BCE, le statut quo prédomine avec un rythme très soutenu de rachats d’actifs même si certains « faucons » estiment déjà qu’il ne sera pas nécessaire d’utiliser les 350 Mds d’euros d’enveloppe restante d’ici fin mars 2022.

Au final, les bilans des principales Banques Centrales ont continué de progresser à plus de 77% du PIB pour la Zone Euro contre 36% pour la FED et 133% pour la BOJ.

Politiquement, les élections récentes en Europe (législatives aux Pays-Bas et régionales en France) ne sont pas venues infirmer le sentiment positif pour la construction européenne suscité par l’accord sur le plan de relance européen dont la ratification est finalisée depuis fin mai. Il est probable que la prochaine échéance électorale à l’automne en Allemagne ne vienne pas brouiller cette vision tandis que les élections françaises en avril demeureront un vrai test pour la cohésion de l’Union Européenne.

L’environnement géopolitique est également assez calme depuis l’élection de Joe Biden, le président américain ayant ainsi renoué un dialogue positif avec ses alliés historiques et adopté une ligne diplomatique nettement plus lisible que son prédécesseur. La Chine reste toutefois le sujet de tension principal et ce n’est pas le discours tinté d’impérialisme du président Xi Jinping, commémorant le centenaire du parti communiste chinois, qui aura permis de changer la vision des occidentaux sur leur capacité à obtenir des concessions de la part du géant asiatique.

Pour le reste de 2021 et sans doute une bonne partie de 2022, les perspectives macro et micro économiques restent positives. Les éléments principaux pouvant remettre en cause cette tendance sont de trois ordres :

  • Une réponse trop brutale des Banquiers Centraux à des chiffres d’inflation réalisés et anticipés qui pourraient sembler incontrôlés : comme évoqué précédemment ce risque est perçu comme faible notamment en Zone Euro où l’écart par rapport à la trajectoire de croissance potentielle (« output gap ») est toujours très significatif.
  • Incapacité de la majorité démocrate à faire voter rapidement un plan de relance d’envergure dédié aux infrastructures et à la réduction des inégalités (amélioration de l’accès à la santé, à l’éducation et soutien aux bas salaires).
  • Une nouvelle vague épidémique qui ne pourrait être contrée par l’intensification de la vaccination, provoquant de nouveaux confinements strictes : le risque existe notamment dans les pays où la proportion des personnes vaccinées est faible (Asie, Australie…) et même en Europe et en Amérique du Nord dès cet automne. Toutefois, contrairement au début d’année, les capacités industrielles pour fabriquer des vaccins sont maintenant suffisantes pour permettre de limiter sensiblement les effets d’une nouvelle vague sur la croissance des économies occidentales.

Les classes d’actifs risquées ont prolongé leur « rallye » entamé en fin d’année dernière. Les marchés d’actions occidentaux, notamment en Europe, ont ainsi progressé de manière quasi continue jusqu’à mi-juin, seulement freinés par des corrections limitées (entre -1% et -2%). Ils
consolident à plat désormais, oscillant autour des points hauts récemment atteints. Hors dividendes, les principaux indices européens montent de 14% en moyenne alors que le S&P 500 s’adjuge 15% environ et que les indices asiatiques et émergents sous performent de manière significative avec seulement +7.7% pour le Topix, +6.5% pour le MSCI EM et +2.9% pour l’indice phare chinois. Ces divergences sont le reflet de la composition sectorielle des indices, les valeurs cycliques et « value » ayant surperformé les valeurs technologiques, du retard dans la vaccination dans la zone asiatique, de l’essoufflement relatif de la croissance chinoise et des questions de gouvernance dans l’empire du milieu.

Les spreads de crédit ont bien résisté à la hausse des taux sans risques, ceux-ci étant globalement stables voire légèrement baissiers sur les titres bien notés (Investment Grade) et en baisse de plus de 60 bps sur le segment High Yield qui bénéficie de l’absence d’accroissement des taux de défaut.

Du côté des obligations d’état, les taux ont été portés par la remontée, outre atlantique, des anticipations d’inflation ayant entraîné une vive tension des taux longs américains jusqu’à fin mars et, par contagion, une nette augmentation des taux longs européens. Par la suite, les taux longs américains se sont détendus d’une trentaine de bps, dans le sillage des déclarations de la FED, tandis que les taux longs européens ont rebaissé de 10 à 15 bps. Au final, le taux 10 ans américain progresse de 55 bps à 1.47% tandis que les 10 ans allemands, italiens et français se tendent de 30 à 45 bps. Dans cette hausse des taux, Il est à noter une relative désaffection du 10 ans français qui s’écarte de 10 bps environ contre Allemagne en amont des élections de 2022.

La dette émergente souffre légèrement impactée par la hausse du dollar et de l’inflation ainsi qu’à des politiques vaccinales peu efficaces. L’eurodollar a été très volatil et finit en baisse de 3% à 1.185 après être remonté proche de 1.23 fin mai.

Sur le portefeuille, nous avons profité de l’accroissement des taux sans risques pour remonter notre sensibilité aux taux en privilégiant les investissements en obligations d’états européennes (bien notées) et américaines (du fait de leur attrait relatif). Nous sommes restés à l’écart du marché du crédit secondaire du fait de la faiblesse des spreads de crédit et avons continué à nous focaliser sur le marché primaire afin de profiter d’éventuelles primes d’émissions. Par ailleurs, nous avons continué à arbitrer certaines expositions crédit pour des raisons ESG ou de cherté relative.

Sur les actions, nous avons réduit notre exposition au fil de l’expansion des marchés tout en maintenant un bêta supérieur à 8%. En outre, nous avons continué à nous diversifier à l’international, la part de nos investissements hors Europe représentant désormais plus de 10%.

Sur les autres diversifications, nous avons pris un nouvel engagement dans un fonds de dette privée américain et avons renforcé marginalement notre exposition à l’immobilier de santé en Allemagne. Enfin, nous avons profité du niveau attractif du dollar (au-dessus de 1.20) pour remonter notre exposition à la devise américaine qui est désormais proche de 4%.

Pour la suite de l’année, tant que nous n’aurons pas expérimenté de hausse significative des spreads de crédit « Investment Grade », nous maintiendrons un biais défensif sur la classe d’actifs en privilégiant des investissements très sélectifs sur le marché primaire. De la même manière, nous resterons à l’écart du High Yield et de la Dette Emergente tant qu’aucune réelle correction n’aura été observée. Sur les actions, bien que le cycle de reprise ne soit certainement qu’à son début, nous préférons demeurer prudents tout en restant autour de 8%.

En effet, la dernière phase de hausse nous semble un peu trop rapide et la valorisation des
marchés est désormais historiquement élevée. Toute baisse significative pourrait être mise à profit pour augmenter progressivement notre exposition.

Sur l’immobilier, dans le contexte actuel d’incertitude sur les taux d’occupation futurs dans le segment des immeubles de bureaux, nous souhaitons rester proches de 3% d’exposition
globale. Nous étudierons toutefois des dossiers dans le segment de la santé, notamment au travers de notre partenariat dans les maisons de retraite en Allemagne.

Pour ce qui est des autres diversifications, nous continuerons d’analyser des fonds à impact positif dans le domaine de la transition énergétique et prévoyons d’implémenter un premier investissement dans la gestion durable des forêts.

Il est d’ailleurs important de signaler que nous avons encore augmenté nos investissements à impact positif sur $e premier semestre, principalement via l’achat de titres obligataires « verts ». En outre, notre méthodologie de sélection respectueuse des critères ESG ainsi que notre
capacité à communiquer sur notre exposition aux risques de durabilité, nous permettent de catégoriser notre Fonds Général en article 8 de la réglementation SFDR1.


François LUCCHINI
Directeur de la Gestion d’Actifs